Ces francs-tireurs défrichent la presse
Technikart, Citizen K, De l'air et Crash sont des titres reconnus de la presse tendance. Comment leurs fondateurs ont-ils créé ces magazines et su les pérenniser ? Quels sont à présent leurs objectifs ? Décryptage.
Armelle Leturcq : Une photographie de mode très Crash
Tout comme pour les fondateurs de Technikart (lire par ailleurs), tout a commencé par une revue d'art contemporain. Armelle Leturcq et Franck Perrin naviguent dans les milieux « arty » de la capitale et distribuent Bloc-notes dans les librairies. En 1998, ils réunissent 150 000 francs (22 900 euros) pour lancer Crash, qui se présente au départ comme un titre culturel. Sa directrice raconte : « Le titre est né au moment de l'explosion de la scène électronique française, avec des groupes comme Daft Punk et Air, dont nous nous sentions proches. » Inspiré par i-D et The Face, Crash peine à trouver ses marques. « Notre approche transversale déroutait : les kiosquiers ne savaient pas où nous placer. Nos premières années ont été très difficiles, avec quasiment pas de trésorerie », se souvient-elle.
Petit à petit, le magazine se recentre sur la mode. « Comme nous venons de l'art contemporain, nous nous sommes évidemment toujours beaucoup intéressés à l'image. Et nombre de photographes, comme Guy Bourdin ou Philip Lorca di Corcia, ont fait de la photo de mode. Je me suis donc mise à la mode, constatant que, de plus, les personnes de ce milieu étaient sensibles à Crash ».
Armelle Leturcq se targue d'avoir fait découvrir nombre de nouveaux talents de la photographie dans les pages de son trimestriel. « Nous avons été les premiers à travailler avec Vanina Sorrenti, qui est très demandée aujourd'hui. Russ Flatt, qui a commencé avec nous, travaille aujourd'hui pour i-D, Doug English, un autre collaborateur, pour Harper's Bazaar... »
La directrice de Crash n'est pas tendre avec ses concurrents : « D'une manière générale, je lis peu la presse française, que je trouve lisse, sans réelle prise de risques. Certains donnent l'impression de faire des shootings avec Mondino depuis vingt ans ! »
Si le titre a aujourd'hui trouvé son rythme de croisière, avec un tirage de quelque 75 000 exemplaires et 59 000 ventes (source éditeur), dont la moitié hors de France, il n'est pas question, pour l'heure, de changer le rythme de parution. « Nous voulons rester trimestriel, parce que cette périodicité correspond aux saisons des défilés. Pour ce qui est d'un développement international, nous avons déjà réalisé un cahier en anglais. Nous réfléchissons à des moyens de décliner Crash dans d'autres pays, mais nous ne voulons vraiment pas faire n'importe quoi. » Être ou ne pas être pointu...