Les flous rêveurs de Serge Leblon
LE MONDE | 21.09.07 | 19h17 • Mis à jour le 21.09.07 | 19h17
Le Belge Serge Leblon a fait carrière dans la mode. De cet univers, il a gardé un goût pour les couleurs vives et les détails vestimentaires. Et peut-être aussi cette fascination étrange autant qu'entêtée pour les chevelures féminines, leurs textures et leurs infinis dégradés de blonds, bruns, roux.
Galerie B.A.N.K., à Paris, le photographe expose une série aux accents tout baudelairiens : des portraits où la personne, prise de dos, s'efface derrière la masse ondulante de ses cheveux. Mais il serait illusoire d'y voir un substitut au visage : ce rideau séduisant lui-même se dérobe, par un jeu de flou qui maintient à distance le spectateur.
Sans manipulation informatique, juste en jouant sur la mise au point lors de la prise de vue, le photographe plonge toute ses images, portraits, scènes de rue ou paysages, dans un flou épais qui leur confère une tonalité insaisissable et irréelle. L'oeil peine, cherche en vain où se fixer.
Alors que le personnage central se perd dans un brouillard rêveur, c'est plutôt un détail ou un fond a priori sans intérêt qui reste net : la main d'une jeune fille serrée sur un document ou bien le mur pouilleux et pelé devant lequel passe une femme distinguée - mais floue. Les couleurs chaudes, les motifs vagues, font presque ressembler ces photos à des Polaroid... comme si l'on avait affaire ici à des souvenirs forts et lumineux, mais distordus par le temps et la nostalgie.
Serge Leblon donne à voir quelques séduisants portraits de célébrités - les actrices Charlotte Gainsbourg et Isabelle Huppert sont moins des icônes glamour que des âmes mélancoliques, les cheveux au vent, perdues dans le songe d'un autre.
Mais ce sont surtout ses paysages qui sont remarquables. Ils sont sans titre, et parfois difficiles à situer géographiquement. Comme cette route bordée d'une infranchissable barrière de thuyas qui s'enfonce dans le flou et le lointain. La scène, qu'on dirait sortie d'un film, a les pieds dans la réalité et s'échappe pourtant dans la fiction.
"The Vanishing", de Serge Leblon. La B.A.N.K. 42, rue Volta, Paris-3e. Mo Arts-et-métiers. Tél. : 01-42-72-06-90. Jusqu'au 20 octobre. Du lundi au samedi de 11 heures à 19 heures.
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Claire Guillot
Article paru dans l'édition du 22.09.07